Antoine Dionne

 

     Cet automne-là, une barque traversait le fleuve transportant un petit cadavre. Après la cérémonie des anges, l'abbé Thomas Morel inscrivit dans son registre: "Le vingt-huitième novembre 1664 André Dionne fils d'Antoine Yvory ses père et mère habitant de l'isle agé de trois ans a esté enterré dans le cimetière du Château-Richer par moy Morel prêtre du Séminaire de Québec faisant les fonction curiales" (Registre: Château-Richer, 1661-1690).

 

     Cet enfant n'était pas né au Canada. Si l'abbé Morel avait inscrit dans l'acte de décès le jour de la naissance d'André, sa paroisse natale, quel service il aurait rendu aux chercheurs d'aujourd'hui. Antoine Dionne et Catherine Yvory arrivèrent donc au Canada vers 1661.

 

     Deux frères Dionne.

 

     Deux frères Dionne vinrent en Nouvelle-France; Jean et Antoine. Ils portaient le nom de famille de Guyonne et le surnom de Sansoucy. Traversèrent-ils l'Atlantique ensemble et en vertu de quel engagement? Impossible de le dire. Nous ignorons même les noms de leurs parents et celui de leurprovince française d'origine. Guyonne s'est très vite changé en Dionne.

 

     Avant le 14 juillet 1662, Jean obtint concession d'une terre de 2 arpents de front par 63 de profondeur dans l'arrière-fief Charny-Lirec, à l'isle d'Orléans. Jean avait comme voisins Pierre Chaslut et Maurice Crépeau.

 

     Un jour, Jean Dionne dit Sansoucy, habitant de Beauport, vendit sa terre acquise en 1662 à Jean LeSueur (Becquet, 7-11-1674). Par la suite, nous perdons sa trace.

 

     Antoine ne fut pas le type de travailleur entêté qui colle à un lopin de terre sans jamais regarder ailleurs. Sa vie durant, il semble occuper à acheter, à vendre, à échanger et même déménager. Il vécut d'abord plusieurs années dans la ferme de son frère, dans la paroisse de Saint-Pierre, I.O.. Mais Antoine eut la sienne de 2 arpents dès le 2 mars 1665 (Vachon), ferme achetée de Jean Mourier et voisine de celles de René Cosset et de Laurent Benoist.

 

     En 1666, il est recensé comme habitant entre Michel Chartier, faiseur de rets, et René Valet. L'année suivante, Antoine Guyonne (Dionne), 26 ans, Catherine Yvory, 22 ans, possèdent une tête de bétail et 8 arpents de terre en valeur. Ses voisins étaient Thomas LeSueur et Pierre Chaslut. Il cultivait donc la ferme de son frère Jean. Il échangea sa propre terre en 1665 (Auber, 20-9-1669) avec Jean Vallée pour une autre de 3 arpents de largeur, bornée par Jean Guy et Joachim Martin, dans les limites de la future paroisse de Saint-Pierre I.O.. Il avait 6 arpents en valeur. C'est là que la famille transporta ses pénates pour y demeurer au moins 6 ans.

 

     Cette terre de 6 arpents de largeur, située à la Longue-Pointe, avec maison, grange et étable, il la revendit à Jean Leclerc dit le Bouteleau (Rageot, 10-10-1675). Un jour, ce dernier quitta les lieux pour s'en aller dans la paroisse de Saint-François I.O., et remit sa terre à Dionne qui la revendit à Jean Guy, son voisin (Vachon, 3-11-1679).

 

     C'est le 18 octobre 1675 (Duquet) qu'Antoine Dionne achète la terre de Joseph Ozanni Nadeau dit Lavigne, à Sainte-Famille I.O., terre de 3 arpents de largeur, voisine de celles de Jean Moreau et de Philippe Pâquet.

 

     En 1681, lors du recensement, c'est bien là que se trouve la famille Dionne avec 3 bêtes à cornes, 25 arpents en valeur et un fusil. Son gendre, Bernard Laisné, l'époux de sa fille Anne, vit sous le même toit. Chose encore plus surprenante, ladite terreavait été baillée à son gendre depuis un an (Rageot, 1-2-1680). Antoine avait 45 ans. La carte de l'ingénieur Villeneuve dressée en 1689 mentionne celle d'Antoine Dionne, à Sainte-Famille, I.O. entre celles de Nicolas Paquin et de Michel Montambault dit Léveillé. Là se trouve le berceau des Dionne d'Amérique.

 

     En 1702, Antoine Dionne possédait une maison de pièces sur pièces de 30 pieds de longueur et cheminée, un hangar, une étable et 30 arpents de terre en labour. Le cartographe Gédéon de Catalagne mentionne en 1709, le propriétaire de cette terre comme étant Antoine Dionne.

 

     Les limites de l'isle d'Orléans ne suffisaient pas à notre ancêtre. Il devint acquéreur d'un emplacement de 20 pieds de front sur le fleuve à la Basse-Ville de Québec (Rageot, 11-2-1678), où il aurait bâti maison au début de 1679. Henri Brau, habitant de la côte de Lauzon, fait un marché avec Antoine Dionne (Rageot, 2-9-1679). Brau lui cédait une habitation de 4 arpents de front sur 40 de profondeur, avec la pêche, en échange de l'emplacement que Dionne possédait à Québec. Antoine aurait exploité sa pêche, car il avait fait un marché d'anguille avec Lucien Boutteville, marchand de Québec, auquel Antoine aurait emprunté de l'argent (Rageot, 1 + 15-4-1680). Antoine avait des talents de fermier, de charpentier et même de pêcheur d'anguilles.

 

     Catherine Yvory, épouse d'Antoine Dionne, décéda après 1709, puisque nous trouvons son nom cette année-là à l'occasion de la donation du couple Dionne à barthélémy Gobeil. Pour ce qui est d'Antoine, il termina ses jours chez son gendre Gobeil, à Saint-Jean I.O., où il fut inhumé le 25 décembre 1721. Il avait franchi le cap des 80 ans.

 

     Antoine Dionne et Catherine Yvory eurent 12 enfants: Antoine, Marie Anne, Marguerite et Catherine, jumelles, et une autre Catherine décédèrent en bas âge. Cinq filles: Anne, Marie Madeleine, Marie Josephte, Marie Anne et Catherine s'unirent aux familles Laisné dit Laliberté, Lenormand, Benoist, Gobeil et Michaud. Un seul garçon perpétua le patronyme Dionne, ce fut Jean. À 24 ans, le 2 août 1694, il épousait au Château-Richer, Marie Charlotte Mignot dit Châtillon, fille de Jean et de Louise Cloutier.

 

     Tel père tel fils, Jean imita son père dès sa jeunesse. Encore mineur, à 15 ans, avant 1685, il obtint une concession dans la paroisse actuelle de Saint-Jean I.O.. Il la revendit 5 ans plus tard (Vachon, 22-3-1689) à Vincent Chrétien, fils. À 18 ans, Jean acheta la ferme de Pierre Boucher, à Sainte-Famille, I.O. (Vachon, 10-3-1687). 14 ans plus tard, il revendit son bien à Nicolas Asselin (Jacob, 26-3-1701). Dès 1700, son nom apparait dans les limites de la Rivière-Ouelle, côté Est, aujourd'hui Kamouraska.

 

     Les descendants d'Antoine Dionne et de Catherine Yvory ont fourni des sujets brillants dans presque toutes les sphères de la société: Brasseur d'affaires, députés, professionnels, etc. Le premier notaire de Saint-Anne-de-La-Pocatière fut Joseph Dionne. Il reçut sa commission le 20 février 1743. Narcisse E Dionne (1848-1917), médecin, publiciste, laissa son nom à la postérité comme bibliothécaire à la Chambre Législative et biographe. Il ne faudrait pas passer sous silence, il y a quelques décennies, un évenement extraordinaire défraya les journeaux non seulement du Canada, mais aussi du monde entier. Le 28 mai 1934, naissaient à Callender, Ontario, les quintuplées Dionne, filles d'Ovila et d'Elzire Legros.

 

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